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Serez-vous à l’église ce dimanche 12 juillet ?

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière mise à jour : 11 juillet 2020 à 12h41

Les portes des lieux de culte s’ouvriront le dimanche 12 juillet après trois mois de fermeture. Pourtant cette décision suscite un enthousiasme mitigé.

Lorsqu’il n’y a qu’une dizaine de fidèles dans la salle, le célébrant blessé dans son ambition hésite forcément à monter sur l’autel. Quel intérêt de prêcher devant un si maigre public et devant des caméras. Il est néanmoins tenu – par le saint vœu – de livrer une prestation. Il faut continuer à tenir les fidèles en haleine, les inciter à contribuer par les applications de paiement en ligne car après tout : Legliz se nou, nou se legliz.

Les lieux de culte s’ouvriront le dimanche 12 juillet en Haiti après trois mois de fermeture. Dans une conférence donnée à l’archevêché de Port-au-Prince, le Mgr Max Leroy Mésidor affirma que pour la reprise des célébrations eucharistiques, la Conférence épiscopale d’Haïti (CEH) a adopté des mesures pour le respect des normes sanitaires. Une église n’accueillera pas plus qu’un tiers des fidèles selon sa capacité, le port de masque est obligatoire, le respect de la distanciation physique sont entre autres mesures annoncés par les évêques.

Rappelons au Monseigneur visiblement amnésique que lors de la neuvaine de la paroisse du Notre-Dame du Perpétuel Secours (Bel-Air) à la fin du mois juin qu’une cinquantaine de fidèles ont complètement passé outre de ces mesures, et que l’affluence aux messes a été de loin supérieure aux tiers de la capacité de l’enceinte. L’Église (toutes religions confondues) n’a jamais été capable de contrôler les débordements, en dépit des nombreux rappels à l’ordre des organisateurs. Généralement, les serviteurs de Dieu affirment que « le peuple de Dieu » saura se comporter en respectant les distanciations physiques. Cependant, les mesures ne semblent pas atteindre les sujets.

Comment gérer une portion de fidèles qui refusent de rebrousser chemin une fois que les barrières fermées et le tiers des capacités soit atteint ? Peut-on fermer les portes de l’église aux croyants ? Le peuple de Dieu n’est pas toujours un troupeau d’agneaux surtout quand des bergers censés faire régner l’ordre font du favoritisme.

Le New York Times relatait dans un article au titre : Churches were eager to reopen. Now They are confronting Coronavirus Cases — qu’on peut traduire « Le virus a infiltré les services du Dimanche, les meetings religieux et les camps de jeunes », plus de 650 cas ont été attribués aux installations religieuses durant la pandémie. Des semaines après la demande du Président Donald Trump de rouvrir les lieux de culte, de nouveaux cas de coronavirus ont été recensés à travers les États-Unis. Des pasteurs et leurs familles ont été testés positifs, de même que les servants de messe, des membres d’accueil et des centaines de fidèles. Le cas le plus tristement connu est survenu dans la localité de Fort Myers.

Carsyn Davis, une mère de seize ans, assidue au ministère, aimait Jésus plus que tout. C’est tout naturellement que Carsyn se rendit, comme des centaines d’autres enfants, à la fête de réouverture organisée par l’église de comté dans laquelle la nourriture était gratuite, avec du basket-ball et du karaoké le 10 juin dernier. Carsyn ne portait pas de masque quand elle se rendit à la fête, même quand elle était obèse, asthmatique et trainait un historique de cancer d’une maladie immunitaire rare, selon le rapport médical du comté. Aucun des jeunes présents à cette fête ne portait de masque – le port du masque n’était pas un prérequis par les officiels de l’État en dépit du fait qu’ils connaissaient les risques de contamination. Moins de deux semaines plus tard, soit le 23 juin, l’adolescente décéda d’une pneumonie contractée après la COVID-19. Deux jours plus tôt, elle célébrait son 17e anniversaire à l’hôpital. Carsyn fut la plus jeune personne à décéder du virus en Floride.

À suivre l’actualité depuis quelques-temps, nous marchons à contre-courant. Au moment où les cas importés sont en nette augmentation en Haïti, on entame le déconfinement : longues lignes d’attente dans les bureaux de l’ONI, la reprise des vols internationaux, la passivité à la frontière haïtiano-dominicaine, car-wash party chaque week-end, réouverture des classes dans un mois.

La volonté de regrouper à nouveau (en respectant les gestes barrières hein !) l’assemblée sera comme une goutte d’eau dans la gorge asséchée par la misère de tant de fidèles qui n’ont pas pu suivre correctement les services dominicaux au cours du trimestre dernier (effet black-out, mauvaise connexion internet). Néanmoins, il faut se souvenir d’Albert Camus « Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté si elle n’est pas éclairée. »

Frères et sœurs bien-aimés, si Dieu sait faire preuve de miséricorde, il n’est pas aveugle à nos comportements pour autant. Alors serez-vous à l’église ce dimanche?

À propos Rodney Zulmé

Je suis Rodney Zulmé, rédacteur à Balistrad, étudiant finissant en Économie & Finances à l'IHECE. Passionné de scénarios et de thrillers. Chaque jour est une vie, à travers l'écriture, travaillons à la beauté des choses.
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