Depuis environ deux décennies, une autre forme de prostitution prend chair dans notre société, c’est la diasporaphilie. L’insécurité financière et le manque d’opportunités en Haïti obligent hommes et femmes à se tourner vers la diaspora…
Cette forme de prostitution affecte même les couches les mieux formées du pays (écolières, étudiantes et certaines employées de l’administration publique et privée).
Des écolières vivant dans des familles où leurs parents sont économiquement limités se voient obligées de séduire plus âgés qu’elles. Pour répondre à leurs besoins primaires, ces dernières vendent leurs corps, s’offrent aux « dyaspora » comme des lots de patate.
La logique est simple : un dollar américain vaut environ soixante-cinq Gourdes ! Quelques billets américains convertis en Gourde leur permettront de payer le loyer, leurs écolages et ceux de leurs petits frères. Bref de subvenir aux besoins de la famille !
Cette pratique est pourtant retrouvée un peu partout à travers le monde. En France, on parlera par exemple de sugar baby ; en Haïti , de madan papa. Être la « madan papa » d’un « dyaspora » peut s’avérer beaucoup plus lucratif en raison de la valeur du dollar. Si une telle pratique tend à se généraliser, elle n’en reste pas moins encombrante pour le sugar daddy ou la sugar mama, la sugar baby et la société.
À Port-au-prince, bon nombre de jeunes qui poursuivent leurs études dans des universités privées reçoivent une aide financière de la part d’un parainneur généralement résidant aux États-Unis d’Amérique, au Canada et en France moyennant des performances sexuelles en retour. S’il est vrai que ces jeunes prendront toutes les dispositions nécessaires pour éviter les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées en raison de la précarité de telles relations, nous savons tous qu’à la guerre, même les plus precautionneux se trouvent exposés. D’autant plus que telles histoires, une fois connues, rendent mal à l’aise, ne serait-ce l’espace d’un regard.
Dans un pays où l’emploi se jette dans la mer, les parents ne travaillent presque pas, l’employabilité des jeunes reste un thème méconnu; prostitution universitaire et scolaire devient une pratique récurrente au sein de notre société .
Depuis pas mal de temps, nous constatons une augmentation du nombre de divorce en Haïti . Et pour cause première : l’argent bien évidemment ! Nous nous éloignons beaucoup plus de l’amour à l’eau de rose qui ne saurait en aucun cas remplir le ventre pour se diriger vers le « given for given« , une forme de troc. Suivez mon regard ! Qui voyez -vous à l’horizon ? Bien sûr… les « dyaspora » et les « papa ». Non pas qu’ils en soient la cause mais jouent valablement le rôle de palliatif à l’absence de l’État.
L’explication à de telles dérives est pourtant simple. Il ne s’agit pas d’un secret aphrodisiaque chez les diasporas ou les plus vieux. Loin de là, je veux croire! Dans un pays où l’État est irrésponsable et démissionnaire , chaque citoyen cherche à creuser son petit chemin de bonheur au bord de l’impossible.
Si l’État ne change pas son fusil d’épaule et donne pas à chacun l’opportunité d’atteindre son rêve, nous aurons à compter, dans les années qui suivent, un taux de prostitution universitaire, scolaire ainsi qu’un taux de divorce beaucoup plus élevés.
Feguerson THERMIDOR