© Victor J. BLUE

Pour George Floyd, on s’émeut; pour Haïti on ferme les yeux | Opinion

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière mise à jour : 6 juin 2020 à 8h08

Est-ce que Derek Chauvin a vraiment franchi la ligne? La question ne se pose pas; cependant est-ce que certains d’entre nous n’en profitent pas pour se faire une popularité et s’octroyer une image de « citoyen du monde » avec cette affaire?

Ce n’est un secret pour personne, un mot d’ordre comme ces fameux challenges se propageant à une vitesse grand V grâce aux réseaux sociaux. Le mot d’ordre était donné ce mardi 2 juin 2020. Tout le monde devrait mettre un fond noir en guise de support aux Black lives matter (la vie des noirs comptent). Nombreux sont nos compatriotes qui ont posté des statuts, des stories, et bien évidemment des fonds noirs.

Un mouvement coordonné et largement répandu. Le slogan #KotKobPetrokaribea qui est pourtant digne d’un devoir civique n’a pas eu autant d’effet sur une journée. Rien de nouveau sous le soleil car ces pratiques de s’adjuger les peines d’étrangers ne datent pas d’hier, quoi que ce vent de solidarité en vaille bien la peine.

Historiquement, la première République noire détient des liens étroits avec les Etats-Unis et la France, le premier pour sa proximité parfois envahissante et le second pour avoir été le colonisateur jusqu’à notre indépendance en 1804. Mais l’hypocrisie d’une poignée de gens qui ne sont pas représentatifs de l’ensemble a atteint son paroxysme ces derniers jours avec leur soi-disant support aux Black Lives matter alors que deux semaines plutôt les échanges de tirs et l’incendie du camp de déplacés au Pont-Rouge passaient comme une lettre à la poste.

Nos compatriotes cinéphiles après avoir regardé ‘’Get out’’ et ‘’Us’’ et quelques vidéos de passages à tabac de noirs par la police américaine se croient en mesure de dépoussiérer des phrases cultes de légendes noires comme Martin Luther King, Nelson Mandela ou Thomas Sankhara…. Pourquoi cet élan de solidarité ne s’applique que lors des abus graves sont commis contre les minorités que l’on peut croiser aux coins des rues?

L’expansion des réseaux sociaux nous a placé dans un poste d’observateur international pendant qu’on ferme les yeux sur ce qui se passe dans notre cour arrière. Un défenseur de cette pratique pour sa défense a expliqué que :

« C’est la politique du ‘’Je wè, bouch pe’’ en vigueur depuis le temps des Tontons Macoutes. C’est plus sage de ne pas s’exprimer sur les sujets locaux afin d’éviter des exactions.»

Une femme quant à elle pense que les revendications haïtiennes ne sont que des diversions et que la principale raison de ces soulèvements n’est autre que financière à savoir les transferts sans contrepartie dont dépendent l’économie du pays. Selon la BRH, les transferts de la diaspora représentent 29,2% du PIB et là encore, c’est un chiffre auquel on ne peut pas se fier car le budget actuel est celui de l’année fiscale 2018-2019.

Rien que pendant la période du pseudo confinement, le journaliste Georges Allen s’est fait tabasser alors qu’il avait en sa possession un laisser-passer du Ministère de la Culture et de la Communication. Le 6 mai, Patrick Benoit a subi un matraquage alors qu’il était ligoté au sol tel un noir au temps de l’Apartheid. Le 25 mai, une ‘’coalition’’ de bandes armées a perpétré un massacre sous le regard impuissant néanmoins compréhensif des agents de la DCPR comme le montre une vidéo d’Yvon Vilius.

On n’a vu que très peu de gens se solidarisent à Georges Allen par contre les #IAMGEORGEFLOYD sont légions chez la ‘’majorité silencieuse’’. Se sent-on plus affecté par un drame qui touche un étranger dont la seule chose qui nous lie avec lui est la couleur de peau qu’un compatriote qui vit à une dizaine de kilomètres de chez nous? Et là encore, il faudrait bien faire les distinctions car on perd sa crédibilité si on poste #BLM pendant qu’on change la couleur de notre peau à coup de savons et d’autres produits éclaircissants.

Il convient de protester contre la bêtise qui s’exprime sous formes de xénophobie et de racisme. Il est noble. Toutefois, avant d’être citoyen du monde et friand d’hashtag pour s’octroyer des likes et retweets, il faudrait penser à être des Haïtiens!

À propos Rodney Zulmé

Je suis Rodney Zulmé, rédacteur à Balistrad, étudiant finissant en Économie & Finances à l'IHECE. Passionné de scénarios et de thrillers. Chaque jour est une vie, à travers l'écriture, travaillons à la beauté des choses.
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