Reuters/E. Munoz

[La refondation d’Haïti] Une décennie gaspillée

Temps de lecture : 2 minutes

Me voilà encore à l’aube de ce souvenir funeste à me demander ce que sera ma tirade cette année. Depuis quelques temps, j’écris autour du 12.  Nous savons tous de quel 12 je parle !

Nous voilà à une douzaine d’année moins deux et rien n’a changé.

Dix ans ! Une décennie plus tard et rien.

Mais moi j’en ai marre ! J’en ai marre du fait que ces âmes perdues aient été oubliées.

Vous pourrez dire ce que vous voulez, elles ont été oubliées.  Aucune mesure préventive. Aucune disposition. Aucun changement sinon un certain nivellement par le bas. CIRH ? Petro Caribe ? Le fameux quartier administratif ? Le nombre exact des blessés, morts et disparus ? Rien. Non… pire encore : gaspillage. Nous nous engouffrons davantage dans les approximatifs, les constructions anarchiques pullulent de plus belle et nos politiques ne pensent qu’à s’enrichir. N’était-ce pas l’occasion – non d’une reconstruction –  mais de la refondation haïtienne  comme le répétait notre feu président ? Ah… que de beaux mots au son creux !

Mon grand-père était de ces âmes-là. J’ai hérité de lui mon amour pour les lettres. Alors disons que c’est une façon pour moi de lui rendre Hommage! Entre nous, à quoi servent finalement tous ces mots ? Tous ces morts ? En plus, qui indexerons-nous ?  Les autorités étatiques ? La diaspora ? Ces pieds calleux habitant les normes dans les taudis ? Au fait, nous sommes tous coupables: ceux assis sur leur bloc de dignité à ne rien foutre, ceux qui ne vivent que pour s’opposer, nos boucs émissaires qu’on prendra soin de nommer hors-la-loi et surtout nous qui nous nous sommes tus et qui avons laissé faire comme si nous n’avions rien à défendre.

Dix ans après, après notre soi-disant refondation, notre seule fierté demeure le fait d’avoir été le premier peuple noir libre. Nous n’avions pas su tirer des leçons de plus de deux cents ans d’histoire, alors une décennie aura peut-être été de trop courte durée. Les mêmes erreurs se répètent. Les bafouillages continuent. Les discours vides et sans sens font encore fureur. Évidemment, l’heure tourne et on en rit.

Qui se souviendra enfin de ces  « environs » 300,000 âmes parties par notre faute ? Jusqu’à quand continuerons-nous à répéter « environ » ?  Le cataclysme du 12 Janvier, une décennie de cela, n’aura finalement été qu’une goutte d’eau par rapport à ce qui est prévu. Y sommes-nous préparés ? Non… répondrez-vous ? Mais nous, nous, chacun autant que nous sommes, avons leur sang sur nos mains et évidemment nous tous serons responsables de l’hécatombe qui viendra immanquablement. À défaut de la théorie du complot, nous n’aurons qu’à répéter creusement qu’il s’agit d’une catastrophe naturelle. C’est plus simple !

Continuons donc à tout mettre sur le dos de Mère Nature ? Pas de progrès au niveau des infrastructures. Aucune amélioration dans les services d’urgence. Pas d’avancement dans les programmes de prévention. Notre système d’éducation régresse. Et nous osons nous croire libres ? Enchaînés par les boulets de l’ignorance, de la cupidité et de la méchanceté, nous sommes un peuple toujours assujettis.  À quoi direz-vous ?  Eh bien… à nos petites personnes ! 12 Janvier 2010 – 12 Janvier 2020. Comment oser rendre hommage à nos perdus en toute bonne conscience au crépuscule d’une décennie gaspillée ?

Ramona Joëlle Adrien 

Publié le 12 janvier 2020 à 8h27
Mis à jour le 12 janvier 2020 à 8h27

À propos Ramona Joëlle Adrien

Je m'appelle Ramona Joëlle Adrien, je suis Ergothérapeute travaillant surtout en Pédiatrie. Je suis une mordue des livres; passionnée des arts, de la musique et du volley-ball. Écrire est pour moi un moyen de m'echapper et m'isoler du monde ou de partager ce qui se passe au fond avec l'extérieur.
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