Jovenel Moïse sous le feu des critiques après le spectacle du Champ de Mars

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière mise à jour : 22 juin 2018 à 14h38

Le président Jovenel Moïse prévoit une série d’activités récréatives au Champ de Mars pendant le déroulement de la Coupe du Monde. Pour la première édition qui a eu lieu le 18 juin, faite de concours de connaissance générale, de chants et de danses, deux prestations ont provoqué l’indignation ; celle d’une dame sacrifiant l’hymne national haïtien et celle d’une fillette se déhanchant sur fond de musique «Rabòday» dont la dextérité a permis d’avoir une voiture de la part du couple présidentiel. Ce qui a suscité moult réactions auprès de gens de différentes catégories.

Jovenel Moïse

Une fillette âgée de moins de 10 ans a été récompensée ce lundi soir au Champ de Mars après s’être déhanchée à tue-tête sur fond de musique «Rabòday» pour le plaisir du couple présidentiel. Ce qui lui a permis d’obtenir une Nissan flambant neuve pour son habileté. Si le président de la République ne voit en son action qu’une façon de mettre la joie dans le cœur du peuple, d’autres y voient de l’incitation à la débauche et de l’atteinte aux bonnes mœurs.

C’est l’opinion du psychologue Robens Doly qui craint une prolifération de ces pratiques sur le territoire national : «Récompenser une petite fille pour ses « Gouyad »[1] lors d’un concours organisé par la présidence est une incitation des jeunes filles à se livrer librement à la débauche. Une simple façon de leur montrer qu’elles peuvent à tout moment lever le gros lot par cette voie.» D’un autre côté le psychologue voit dans l’action du couple présidentiel une vassalisation de la notion de valeur : «Cela affecte aussi les schèmes de pensée des jeunes sur la notion de valeur. Car, si le président rationalise et valorise un tel acte avec un si grand prix, en conclusion c’est quelque chose que tout le monde devrait apprendre à maîtriser. Les actes enseignent mieux que les mots, par conséquent une mauvaise leçon vient d’être inculquée aux jeunes, les filles plus précisément », regrette-t-il.

Osman Jérôme, un autre psychologue questionné à ce sujet évoque pour sa part certaines conséquences immédiates que cela peut avoir sur la mineure : «L’enfant peut être ironisée dans son environnement. Ce qui peut la rendre déprimée. » « Cela peut avoir des conséquences sur son avenir puisque certains pourront la rappeler qu’elle a été se déhancher au Champ de Mars afin d’avoir une voiture » a-t-il ajouté.

Il faut tout aussi rappeler que la soirée improvisée sur le Kiosque Occide Jeanty n’était pas faite que des déhanchements. Une dame montée sur le podium pour interpréter la Dessallinienne a, par manque de maîtrise, fait un assassinat de l’hymne national haïtien. Ce qui a fait aussi couler beaucoup d’encre. Le rédacteur en chef du journal Le Nouvelliste, Frantz Duval, dans son éditorial du 19 juin exige des excuses de la part du couple présidentiel pour «l’insulte faite au drapeau» dans la soirée qu’il qualifie de «spectacle de très mauvais goût» et croit que le cas de la petite fille «est encore plus grave» : «Excusez-vous de l’insulte faite au drapeau et on oubliera même ce qui est encore plus grave, cette incitation à la débauche d’une enfant mineure dont les tours de reins lascifs et suggestifs ont été jetés en pâture à la foule, ce 18 juin, pour recueillir rires et applaudissements pour les chefs. » a-t-il écrit entre les lignes du plus ancien quotidien du pays.

D’un autre côté des voix féminines se sont élevées pour monter au créneau. Pascale Solages, militante féministe avérée, dénonce à travers un article paru dans le magazine en ligne AyiboPost une objetisation de la gent féminine et une pérennisation de l’inégalité dans les rapports des sexes opposés. «Nous ne pouvons considérer cet acte ignoble commis au Champ de Mars comme un acte isolé. Nous devons l’analyser dans les prismes d’un système qui réduit les femmes, les filles au rang d’objets et qui pérennise ainsi jour après jour les rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes. » a soutenu le numéro un de l’organisation féministe Nègès Mawon.

Patricia Camilien, de son côté, blogueuse très présente sur la toile, demande au chef de l’Etat plus qu’une explication, en mettant en avant un argument juridique. « Un président qui offre une voiture en récompense des tours de reins lascifs d’une petite fille jetée en pâture aux pervers de la République ne nous doit pas seulement des excuses. Il nous doit plus qu’une explication: Art. 282.- Quiconque aura attenté aux mœurs, en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse, de l’un ou de l’autre sexe au-dessous de l’âge de vingt-et-un ans, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans.- C. civ. 309.- C. pén. 9-1°, 26 et suiv., 36, 283. [Code pénal haïtien].»

À rappeler que ce spectacle qui a été offert au Champs de Mars ce lundi n’est que le début d’une série d’activités prévues par le président Jovenel Moïse et sa femme Martine dans le cadre du déroulement de la Coupe du Monde. Le locataire du Palais National, après cette sortie controversée, aura-t-il la décence de changer son fusil d’épaule ? En tout cas, nous n’avons qu’à suivre la suite de ce feuilleton présidentiel.

Joubert Joseph

[1] Déhanchements

À propos Joubert Joseph

Joubert Joseph, né à Port-Margot le 29 avril 1997, passionné de poésie depuis son plus jeune âge, est poète et journaliste. Il a publié respectivement «15 poèmes pour un million d'étreintes» et «Léa ou La beauté en mille morceaux». Deux ouvrages qui ont été salués par la critique. Il a étudié le journalisme à l'Isnac et travaille actuellement comme reporter à Radio Kiskeya. Rédacteur à Balistrad, Joubert Joseph opte pour un «journalisme responsable.»
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