Entre souvenirs et manques d’un temps lointain…

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière mise à jour : 5 décembre 2019 à 16h57

Grandir dans les seins de ma mère n’est rien comparé au fait que tes tétons m’ont servi de biberons pendant une bonne partie de ma vie. Produit d’une section césarienne m’a poussé à retourner à la case départ, l’entre-cuisse d’une femme, non pas celui de ma mère mais le tien. Petit, ma daronne a pris soin de moi mais devenu grand, je m’étais toujours senti comme un bébé tant que tu prenais soin de moi. Je n’ai trouvé nul endroit plus confortable au monde que ce lit que j’ai partagé avec toi toutes ces années et sur lequel on a tant accompli. Je n’ai trouvé de meilleurs souvenirs que la réminiscence de tous ces moments d’ébats inaccomplis, ces désirs inassouvis, ces sentiments refoulés à cause du temps qui nous a fait défaut apparemment. J’ai comme l’impression de n’avoir pas vécu assez ces temps avec toi et je m’en veux de n’avoir pas tout essayé pour rallonger ces expériences.

Aujourd’hui, plus que jamais, je souffre de ton absence maquillée par ta présence, marquée par tous ces objets utilisés au quotidien chez nous. Par nous. J’ai fait de toi ma vie et depuis que tu es partie, je n’en ai plus. Tu es devenue à l’instar du soleil un souvenir que j’observe à l’horizon mais que la nuit risque de faire disparaître. Notre relation, ce lien indestructible à l’époque, ce partage d’émotions où nous nous comprenions si bien, tout cela est aux vêpres alors que cette rage d’explorer à nouveau les infimes parties de ton corps, d’admirer cette prosodie quand tu cites mon nom avec excitation, tout en moi n’est qu’au crépuscule. Je me souviens de chaque saccade, de chaque soupir prononcé gémissant d’extase sous l’effet d’hydrolase. Je me souviens de chaque recoin de ta corpulence parfaite comme si De Vinci lui-même l’a dessinée. Je me rappelle encore chaque mot, prononcé avec ferveur, quand tu essayais de me convaincre que toi et moi, c’est pour l’éternité. Tes chansons quand tu te réveillais, tes fredonnements quand tu dessinais résonnent plus que jamais dans mes oreilles. Chaque rire quand je te faisais des blagues les unes plus pourries que les autres, chaque larme versée quand tu pleurais comme une madeleine, chaque sourire quand tu me voyais arriver au coin de la rue, chacun de ces épisodes sont là, quelque part dans ma tête mais toi, tu n’y es plus. Tout me manque. Surtout toi.

Le goût de tes lèvres, ta main sur ma peau, ta chair contre ma chair, ma chair bien enfouie en toi, tes déhanchements sur mon ventre, ta voix remplie de supplications, ta nudité qui te servait d’appât pour m’atteindre, ton intimité qui est devenue mon havre de paix, ton charme, tes caresses, ton parfum, ta chevelure, ta démarche, ton style, tes mots, ton regard, tout me manque. Toi encore plus.

Comment vivre mon quotidien alors qu’il était réduit à toi et que tu n’es plus là ? Comment rêver encore alors que tu étais l’objet de mon imagination ? Je me sens inapte à emmagasiner d’autres souvenirs tant que les tiens s’empilent dans ma tête et ne font qu’aucune autre place. Je me sens incapable de regarder une autre parce que je ne voudrais voir que toi dans ses yeux. Repartir à zéro ? Non, parce qu’il faudrait que je passe par tout ce chemin, qu’ensemble, on a traversé et qui était nôtre. J’escaladerais le Mont Everest pour te retrouver et m’offrir un moment avec toi. Je traverserais l’Atlantique pour matérialiser au moins une parmi toutes ces envies brûlantes avec toi. J’attendrais une éternité si seulement je savais que toi et moi allions encore nous apparier pour bâtir ce monde à nous dont on parlait tant. Dois-je me contenter de ces souvenirs que tu m’as laissés ou dois-je m’affliger par ce grand vide que tu as forgé en moi ? J’ai toujours cru qu’aimer était synonyme de ton nom mais depuis que tu es partie, le concept amour n’évoque que souvenirs et manques.
Tout me manque. Surtout toi.

Wood Guerlin TELLUS

À propos Wood Guerlin Tellus

Wood Guerlin TELLUS, Ergothérapeute clinicien diplomé de la Faculté des Sciences de Réhabilitation de Léogane de l'Université Épiscopale d'Haïti. Fondateur de Ticket Santé. Rédacteur en chef à Le Consultant. " Heureux celui qui lit car le royaume des mots est à lui ".
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