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Zoom sur les  » Papa au foyer en Haiti » , un phénomène de plus en plus d’actualité

Temps de lecture : 4 minutes

Dernière mise à jour : 22 juin 2018 à 14h14

Il est vrai que la majorité des mères passent leurs journées à s’occuper de leurs enfants et accomplir les tâches ménagères que ce soit dans les familles monoparentales ou autres .Cela ne suffit pas à qualifier les femmes: les principales « Poto mitan » au foyer en dépit des efforts immenses qu’elles déploient chaque jour. Ils existent cependant, bien qu’à des rares exceptions des pères qui sont en plein temps au foyer. Ils jouent leur rôle de papa sans restriction, le plus souvent , bien mieux que certaines mamans. Mais ils restent encore dans l’ombre .

Nous étions loin d’imaginer qu’un papa laisserait tomber sa carrière pour instruire ses enfants. Autrement dit, devenir un père au foyer. Surtout quand on pense à ce pays caractérisé par la complexité et les stéréotypes.

Il faut dire que le phénomène de « Papa au foyer » a considérablement évolué, si bien qu’on constate aujourd’hui une augmentation des cas de papas faisant les tâches domestiques .

On peut se demander comment un homme peut-il passer sa vie au foyer, quand on pense à toutes les exigences auxquelles il aura à faire face. D’ailleurs c’est un mode de vie assez compliqué, surtout, s’il s’était  depuis son enfance  écarté de ce quotidien routinier. Eh bien, délassant que ça puise paraître, on constate peu à peu que ce phénomène est de plus en plus d’actualité en Haïti. Au vrai, nous avons rencontré trois pères qui nous  racontent leur quotidien  et les raisons ayant provoqué  ce choix.

Devenir père au foyer, était une nécessité pour Bathelmy. Un homme de 51 ans, père de 5 enfants. 

« Autrefois, je m’occupais toujours de mes enfants. Je participais à leur éducation familiales mais je n’étais pas pour autant un papa au foyer. Je m’occupais plutôt de leur besoin financier. Auparavant être père pour moi se résumait à ça. Ce n’était qu’en janvier 2010, suite à la mort de ma femme que j’avais envisagé de réduire  mes heures de boulot pour prendre soin de mes enfants. J’étais loin d’imaginer qu’un jour  je changerais les couches, donnerais les biberons, les emmenerais à l’école, pour ensuite aller les chercher. Il ne me manquait qu’une robe, un talon et un beau corps de femme. Il n’avait pas de différence entre ma défunte femme et moi. On était tous les deux pareils. C’est difficile de le nier. Je menais une vie de monotonie,privé de plaisirs. J’ai dû renoncer à la vie de boulot pour me consacrer à eux. Je me suis résigné parce que j’étais leur seul recours. Il m’arrivait de ne pas savoir comment me comporter avec eux.  Ils m’obligeaient à sourire malgré moi. Certains d’entre eux étaient ravis d’avoir un papa qui s’occupait de tout. Ils étaient parfois inconscients face à la rivalité dont je devrais faire front. Je trouvais ça embarrassant. Je n’avais plus le droit d’être épuisé, malade. Toutefois, ils m’ont beaucoup appris et l’envie de rester père au foyer se manifestait au jour le jour.  il serait alors  injuste de ne pas dire que chaque instant passé enemble renforcait notre lien familial. J’ai regretté de n’avoir pas été  présent à la maison depuis leur naissance. Au final, être un bon père, c’est être aussi père au foyer.

Quand c’est la femme qui travaille, être père au foyer devient une contrainte en témoigne Michelet, un père d’une fillette de 8 ans.

Vivant à pétion-ville,  Michelet a souvent tenté de trouver un boulot pour pallier à la cherté de la vie, mais rien ne se fit à son souhait. Depuis, « la maison est devenue ma cellule. » Dit-il. Chaque matin, ma femme laisse de très tôt la maison pour se rendre au travail. Je me réveille dès 4h du matin pour cuisiner, me charger des courses, même la lessive était sous ma responsabilité. Je ne pouvais rien reproché à ma femme puisque c’était elle, notre unique aide financière. Elle me commandait, d’un simple geste, je n’avais qu’a l’obéir. Mes amis me disaient à maintes reprises que je devrais laisser tomber ce mode de vie. Ce travail revenait à ma chère femme, et non à moi. C’est elle qui devrait rester à la maison pour s’occuper de la famille.  On me traitait de « Gason makomè » parce que je jouais mon rôle de père. Je me sentais humilié, délaissé. C’était dégoûtant, difficile de vivre dans cette situation. J’aurais tort de ne pas l’avouer.

Si c’est un événement déclencheur qui avait poussé Michelet et Bathelmy à se mettre dans une telle situation.  Pour Josué, c’était différent . Pour lui, faire la cuisine et la lessive, c’est quelque chose de naturel: » Quand on est en couple,  on doit s’entraider. Dailleurs accomplir les tâches d’un commun accord nous permet de rester toujours en communication. Pour moi , il n’y a pas des tâches réservées uniquement aux femmes. Les deux peuvent se retrouver au foyer. « Il n’a pas caché sa satisfaction en tant qu’homme au foyer: « On devrait montrer aux hommes depuis leur jeune âge comment cuisiner, repasser, lessiver et autres.. »Confit-il.

Si souvent, on parle des enfants élevés uniquement par de courageuses  mères. Il existe pourtant des hommes qui passent la moitié de leur vie à s’occuper de leurs enfants, sans avoir une femme à leur côté. Eh oui… il existe bien des pères qui ont des potentiels et qui sont loin d’être en compétition et qui jouent tout simplement leur rôle de père..

 

©Jessica Nazaire!

nazaire.jessica@yahoo.com

À propos Jessica Nazaire

Écrivain, poète. Jessica Lee Nazaire est née à Port-au-Prince (Haiti). Elle est journaliste et étudiante en sciences Juridiques à L'UEH.
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