Jeunesse haïtienne : Quel espoir, quel avenir

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Haïti fait partie des pays dont le pourcentage de population de moins de 15 ans est moyen. De mon temps, on disait « Pitit se byen pòv malerèz ». Les parents très pauvres comptent sur leurs enfants, une fois devenus vieux, pour les soutenir. Cependant, cette mentalité a évolué. Désormais, certains parents comprennent qu’il faudrait mieux nourrir, soigner et éduquer leurs progénitures. De plus en plus de mères pratiquent le planning familial. Néanmoins, n’empêche que 30% de la population soit encore des ados. Dès lors, on se questionne sur cette génération qui, elle-même, se cherche.

Je suis encore jeune, jeune adulte. Avant 2010, j’étais encore adolescent. je me rappelle d’une parole de chanson d’un des groupes hip-hop les plus adulés du pays. « Granmoun yo echwe ». (Les adultes ont échoué). Dire que ces messieurs approchent la quarantaine. Cette parole a déchaîné une telle polémique. Pourquoi ces mots?

Pour mieux vous répondre, rendons-nous dans une frange récente de l’histoire d’Haïti. Ces messieurs étaient déjà nés le 7 Février 1986. Cette date marque la fin d’une ère : l’ère duvaliériste. Les Duvalier sont les pires dictateurs  qu’aient connu Haïti. Ben. Si vous voulez en savoir plus, lisez Bernard Diederich.

La fin d’une ère devrait marquer la venue d’une nouvelle. Trente ans après la chute duvalérienne, la classe politique haïtienne a piteusement échoué. Ici, le nombre de jeunes à nourrir, éduquer et soigner est si élevé que l’État n’arrive pas à subvenir à leurs besoins. J’espère avoir éclairé vos lanternes et ceux de nos compatriotes feignent de ne pas savoir de quel échec il s’agit.

Souvent, les « granmoun » (génération X) reprochent aux jeunes (Gen YZ) d’être des délinquants pour la plupart. Et pourquoi donc? Parce que notre génération connait le rap. Le hip-hop haïtien a pris dans les années 90. Comme si chaque génération n’a pas connu sa mouvance sociale. On dirait parfois qu’on nous considère comme une génération en déperdition.

La jeunesse actuelle est plus que jamais connectée à ses idoles : potins, looks, slogans. On lui reproche de ne pas avoir de bons modèles. Récemment, le Ministère du Tourisme d’Haïti a impliqué quelques jeunes artistes haïtiens influents à la sensibilisation de la population à l’importance du tourisme. Voir leurs idoles impliqués dans une telle initiative pourrait aider la jeunesse du pays à briser les stéréotypes…

Une jeunesse qui se cherche

On a tous nos raisons. J’ai arrêté la fac parce que je n’avais pas le choix. Ce mois-ci, j’ai appris avec stupeur une nouvelle décevante. Le plus brillant étudiant de ma promotion de fac a stoppé ses études en linguistique. J’en crois pas à mes oreilles. Je le voyais obtenir son PhD. Pour reprendre ses mots que l’on dit trop souvent chez nous, peyi a pa ofri moun anyen. (Le pays n’offre aucun avantage social). Si partir loin du pays était une évidence, aujourd’hui ce périple devient une impérative. Le Chili, pays hôte, devient le nouvel eldorado des jeunes haïtiens.

D’un autre côté, une partie de la jeunesse actuelle croit dans son dynamisme et sa qualification. Une jeunesse compétente qui se veut au cœur des décisions, au cœur de l’action. En ce qui me concerne, je pense qu’il serait probable de combler tout fossé générationnel. Comme dit, le vieil adage, « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait« . Tout ça pour dire quand on est jeune, on manque bien entendu d’expérience et de vécu; et dans nos vieux jours, on possède l’expérience mais plus la vigueur de sa jeunesse.

Une autre Haïti est-elle possible avec sa jeunesse?

Si de jeunes oisifs passent leurs journées à ne rien faire, à s’adonner à la bouteille, une autre partie pense autrement. Du coup, certains jeunes de la génération consciente se demandent combien d’entre eux croient qu’il est possible de remettre Haïti sur la voie du progrès socio-économique. Effectivement, si certains se plaignent du mal du pays, d’autres préfèrent prendre l’initiative. En fait, depuis quelques temps, on voit bourgeonner un esprit d’entrepreneuriat en Haïti.

En 2014, de concert avec des institutions partenaires dont l’OIF et l’Université d’État d’Haïti, le comité organisateur du groupe Echo Haïti, a procédé au lancement de la première édition du premier forum international de jeunes entrepreneurs  en Haïti, baptisé « Elan Haïti 2014 ». Ce forum biennal international a connu une deuxième édition en 2016. De cette dernière édition est née un projet innovant axé sur l’emploi PUSH qui entend s’attaquer à la problématique d’insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail. L’objectif, dans la durée, est d’aider des jeunes professionnels haïtiens à s’insérer sur le marché de l’emploi et agir ainsi contre le chômage des jeunes. Récemment, l’économiste Marc Alain Boucicault, fondateur de la société Banj, a annoncé que le lancement officiel de cette institution aurait lieu le mardi 1er août 2017 : un nouvel outil dans le monde entrepreneurial en Haïti.

Haïti : Je m’engage

C’est un peu triste à dire ! Mais, parfois on ne saurait empêcher un jeune de partir quand on ne peut l’offrir le meilleur. Le pire, c’est quand les jeunes jurent de ne plus revenir. Franchement, on les comprend. Souvent, de retour au pays, ils sont la cible potentielle de voleurs depuis l’aéroport. Cependant, on craint que la jeunesse qui constitue la couche arable de notre pays soit déversée vers l’extérieur. Si l’on ne peut encore guérir le mal, rien ne nous empêche de le prévenir. Nous sommes nombreux à nous engager à notre manière. Professeursartistes, jeunes leaders… sauf les politiques peut-être.

À propos Garens Jean-Louis

Je suis Garens JEAN-LOUIS, Haïtien. J’ai une formation de base en linguistique. Je suis un passionné des sciences humaines, de la photographie et des petits plaisirs de la vie. J'aime dire tout haut ce que les autres pensent tout bas. L'écriture est ma façon d'affirmer mon existence et ma dissidence.
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