Et si le Rap Kreyòl était un vecteur de changement social pour Haïti?

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière mise à jour : 1 décembre 2018 à 12h15

Ces deux dernières années, quelques rappeurs de la nouvelle génération ne cessent de nous épater. Comme nombre de leurs aînés, ils sortent de plus en plus des chansons qui parlent des maux du pays et dénoncent, à travers leurs textes, corruption et inégalités sociales. Mettant en avant l’histoire nationale et le vaudou, la religion populaire, désormais le rap kreyòl semble conscient que son pouvoir, en tant que genre musical à la mode, peut être un vecteur de changement social pour le pays.

“Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position?”, s’est questionné Youssoupha, rappeur franco-congolais, dans une chanson intitulée [balistrad_label] »Menace de mort »[/balistrad_label]. Celle-ci est sortie peu après son clash avec Éric Zemmour, homme de média et polémiste français qui avait porté plainte contre le rappeur pour injure et diffamation après la diffusion sur Internet, en mars 2009, de « A force de le dire », une chanson sur le deuxième album du [balistrad_label]«Prims Parolier»,[/balistrad_label] intitulé [balistrad_label] »Sur le chemin du retour »[/balistrad_label]. Voici les paroles incriminées: « A force de juger nos gueules, les gens le savent qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards, chaque fois que ça pète on dit que c’est nous, je mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour. » Ce dernier, pour qui le rap est «une sous-culture d’analphabètes», avait perdu le procès en appel, et Youssoupha – diplômé de la Sorbone Nouvelle (Paris III) en médiation culturelle et communication – fut alors déclaré non coupable.

Il semble aujourd’hui que les jeunes rappeurs haïtiens disent, comme pour répondre à la question du rappeur français, que nul ne peut prétendre faire du rap sans prendre position. En effet, le rap est résistance. Face à l’oppression, le rap n’est jamais tendre. S’attachant à cette logique, des rappeurs haïtiens chantent la résistance. Ainsi ces derniers mois sont sorties des chansons comme [balistrad_highlight] »100 Verite »[/balistrad_highlight] [balistrad_label type= »success »](Baky, Échec et Mat)[/balistrad_label], [balistrad_highlight] »Ayibobo »[/balistrad_highlight] [balistrad_label type= »success »](Wendy, King rete King)[/balistrad_label], [balistrad_highlight] »Lib ou lanmò »[/balistrad_highlight] [balistrad_label type= »success »](Barikad Crew)[/balistrad_label]. Mixtape, EP et albums des artistes de la [balistrad_label]«Jenerasyon Envensib»[/balistrad_label], dont Wellborn [balistrad_highlight] »Lè m tonbe »[/balistrad_highlight], [balistrad_label type= »success »](Lord IMP)[/balistrad_label] [balistrad_highlight] »Phoenix »[/balistrad_highlight] et [balistrad_label type= »success »]D-Fi[/balistrad_label] [balistrad_highlight] »Kwonik on GetoYout »[/balistrad_highlight] abondent dans le même sens. Accusations, dénonciations, indignations, tels sont les mots qui traduisent l’esprit des oeuvres citées.

Et comme en 1791 à Bois-Caïman, le vaudou est sollicité pour la révolution qui se prépare aujourd’hui. En effet, les propriétés libératrices de la religion populaire sont chantées avec fierté par la nouvelle génération. Niska, l’une des rares voix féminines du rap game, célèbre la culture haïtienne dans ses chansons comme [balistrad_highlight] »Vèvè lokal »[/balistrad_highlight] (2017) en collaboration avec Lòlò de Boukman Eksperyans ou Pitit tè a. Les hommes du groupe G-Shyt, qui font du trap, un sous-genre du rap, la suivent avec le célèbre titre [balistrad_highlight] »Balèn Bouji »[/balistrad_highlight], ainsi que Trouble Boy avec [balistrad_highlight] »Pral Nan Pey’an m Pou Yo »[/balistrad_highlight].

La musique d’un peuple reflète son âme, ses aspirations. Elle a des facultés positives ainsi que des facultés négatives. Elle peut aider à construire tout comme elle peut être une arme de destruction massive. Le rap, comme genre musical, n’en fait pas exception. [balistrad_label]«Le rap est un calibre.»[/balistrad_label], dit Youssoupha déjà cité plus haut. Donnant à l’artiste une grande liberté d’expression, il peut être porteur d’un message de changement, un instrument d’éducation massive où «l’amour, la vérité et le respect» sont enseignés, comme le demande D-Fi sur l’un des morceaux figurant sur son dernier album. D’ailleurs à l’heure où la jeunesse se soulève contre la corruption, à travers le [balistrad_label type= »important »]#PetrocaribeChallenge[/balistrad_label], le hip-hop haïtien peut être une excellente arme de guerre. À l’instar de Master Dji, père fondateur du hip-hop haïtien, ou Christopher Laroche dit Freedom, la nouvelle génération de rappeurs haïtiens peut se positionner vis-à-vis de la débâcle politico-sociale d’Haïti, et ainsi faire du rap l’un des vecteurs du changement tant souhaité.

Samuel MÉSÈNE

À propos Samuel Mésène

Né en 1997, Samuel MÉSÈNE est passionné de littérature, de rap et de football. Écrire est pour lui l'une des façons d'exister.
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