D’amicales retrouvailles?

Temps de lecture : 2 minutes

Dernière mise à jour : 23 septembre 2019 à 10h06

Un soir, au Pizza Garden, un entrepreneur quinquagénaire prévoit de mettre fin à ses jours. Il rencontre des créatures amicales qui tentent de lui faire changer d’avis…

Il pouvait être dix-neuf heures quand il arriva. Le gardien l’avait examiné, jugeant ses vêtements trop chics pour la fouille habituelle. Il prit possession de la troisième table, commanda un gin. Il n’avait pas soif, mais il faut toujours un bon coup avant un suicide.

Il ne portait pas d’alliance. À la place, il avait une cicatrice à la mâchoire. M. Holmes aurait déduit un couteau, pourtant j’avais déduit la colère d’une femme. Je l’avais longtemps observé. Je laissai donc mes amis, ces créatures magiques que le destin choisit, me laissant le soin de garder ou de rejeter. Je pris place en face de l’homme triste, dont le parfum exhale le regret, le dégoût. Il était comme ce peuple : il était fatigué. Il me trouva fort belle, me proposa un verre, et comme tous les hommes, se demanda pourquoi une beauté pareille n’est pas accompagnée. C’est alors que je lui montrai mes amis. Le garçon aux cheveux gris lui rappelait sa jeunesse; il aimait le crin de la fille grande et belle, portant une cicatrice au front; pour lui, cette fille aux rondeurs incroyables était bien trop pieuse. Quant à moi, j’étais la jumelle de cette fille aux lunettes, car nous faisions à peine 1m60. Les autres étaient en couple, ils étaient heureux. Il nous avait rejoint, prudent de ne pas montrer son arme. Son pas était pénible, mais le problème était profondément postérieur.

Quand il prit la parole, il n’y avait plus de couple mais des individualités sensibles à ces mots pénibles. Il avait toujours fait le mauvais choix. Il avait fait taire son amour pour la blouse, car son père ne parlait que de bourse. Fatigué de se plier aux volontés de son père, il avait plié son index sur la gâchette. Une balle dans la tête, le corps dans les fosses, la police enquête, du fric, et on se tait. Il était toujours seul, et il n’était même pas son ami.

Danaé ne voulait plus l’entendre, le trouvait monstrueux. Il nous trouvait chanceux. On était des amis. Pourtant, nous étions les fils du destin. Nous avions choisi la voie amicale pour franchir les obstacles, découvrir le monde, apprendre, s’amuser et merder. Nous sommes une équipe. Nous sommes une famille.

Il disait qu’il est trop tard, trop tard pour se faire des amis mais l’amitié est bien plus forte que le temps, dépassant les frontières d’âge. Le fuseau horaire dicte au français l’heure d’appel à son pote cubain. Quand ils se rencontrent, le mélange de cigares et de vin les rapprochent. Ils sont des complices, des partenaires vitaux, heureux de créer un chemin de paix.

Quand il prit congé de nous, le serveur nous apportait l’addition. Les couples s’étaient reformés. Pourtant, notre amitié brillait de mille feux. Ensemble, nous avions espéré sa joie. Ensemble, nous avions couru vers la porte. Le bruit était fort, et ensemble nous avions reconnu le corps de l’inconnu, baignant dans son sang. La mort était son ami.

Yvan Jean Verlaine PIERRE

À propos Yvan Jean Verlaine PIERRE

Yvan Jean Verlaine Pierre, 27 ans, médecin résident en Service Social. Amant de livres, d'aventures et de musique.
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