Un jour les «aigris» finiront par tout chambarder

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière mise à jour : 14 juillet 2018 à 20h21

Aujourd’hui, nous sommes face à nous-mêmes, face au miroir mais nous avons peur de nous regarder. Nous avons peur de toucher la plaie du doigt. Les émeutes des 6, 7 et 8 juillet sont le ras-le-bol d’une population fatiguée. Assoiffée d’une vie décente. Mais les incrédules refusent de le croire. Ils jugent, accusent et blâment.

Même des soi-disant dirigeants n’arrivent pas à comprendre que la population en a marre de leurs gaspillages, leur incompétence et  arrogance.  Quelle ignorance ! Jovenel Moïse depuis son arrivée au pouvoir s’érige en un véritable ennemi des couches sociales les plus défavorisées. Il a piétiné  la lutte des ouvriers qui demandaient 800 gourdes comme salaire journalier et de meilleures conditions de travail. D’ailleurs, il avait déclaré que «la richesse est une vertu» ce qui sous-entend ipso facto que la pauvreté est un vice. Au lieu d’augmenter le salaire minimum des gens travaillant dans des situations infrahumaines,  il a opté pour des projets bidon. Sa dernière action en date qui prouve sa haine pour les pauvres est le déguerpissement auquel il a procédé à Pèlerin 5 contre ses voisins pauvres que ses acolytes disent représenter un danger pour «les honnêtes gens» du quartier. Quel affront ! Avec sa fameuse caravane du changement,  beau prétexte pour dilapider les fonds publics, des pots-de-vin pour les parlementaires dans les périodes pascales et autres décaissements pour d’autres futilités comme de l’argent dépensé dans l’achat des téléviseurs pour la coupe du monde, l’homme-banane fait partie des plus grands fossoyeurs de la République.

Après les émeutes provoquées par nos dirigeants incompétents, les «honnêtes gens» se sont érigés en véritables donneurs de leçon. Ce qui n’est autre que de la masturbation intellectuelle. Puisque blâmer des gens qui ne possèdent rien sinon que leur corps, qui ne savent pas ce que veut dire «bien privé» c’est passer carrément à côté de la plaque. Toutes les conditions sont réunies pour que ces actes de vandalisme suivis de pillage se répètent et ceci de façon plus radicale. Il y a des armes dans les quartiers pauvres. 80 % de la population sont au chômage. Les dirigeants travaillent dans l’intérêt des plus riches en continuant d’adopter des mesures impopulaires. Chaque quartier aisé est voisin d’un quartier pauvre. Le sujet qui doit nous interpeller aujourd’hui c’est la «justice sociale», même s’il divise, dérange et fait peur. Mais nous devons avoir le courage de mettre le doigt dans la plaie. Aucun pays ne peut se développer avec ce fossé qu’il y a entre les pauvres et les riches. Haïti est l’un des pays les plus inégalitaires du monde et le plus inégalitaire de la Caraïbe.

Pour les «honnêtes gens», les révoltés sont des «aigris» qui sont en train de «maigrir». Oui, pour les adeptes de la facilité qui n’arrivent pas à aller au delà du mur, les révoltés sont des haïssables, des «moun sal»… Et que disent-ils du statut quo ? Ce dernier n’est-il pas plus cruel et plus méchant ? La colère exprimée par les citoyens les 6, 7 et 8 juillet n’est qu’une réaction aux violences systématiques dont ils font l’objet depuis belle lurette. Ils disent que c’est assez, qu’ils n’en peuvent plus. «Ventre affamé n’a point d’oreilles», dit-on. Nous connaissons tous ce vieil adage. Nous le répetons à tout bout de champ mais personne ne semble vraiment le comprendre. Jacques Stephen Alexis écrivait dans son roman Compère Général Soleil «Gens de bien, gens «comme il faut», bons chrétiens qui mangez cinq fois par jour, fermez bien vos portes : il y a un homme qui a grand goût fermez vous dis-je, mettez le cadenas, un homme qui a grand goût, une bête est dehors…». Le traitement que l’auteur donne aux gens aisés et aux gens pauvres dans ce passage en dit long sur le rapport riche/pauvre en Haïti. Karl Marx soutient que «c’est l’existence sociale qui détermine la conscience des hommes» et non l’inverse. Si les choses continuent ainsi en Haïti, si l’État n’arrive pas à créer de conditions de vie adéquate pour la population, si l’État continue à exprimer ce mépris et cette indifférence envers les couches sociales les plus défavorisées, un jour, les «aigris» finiront par tout chambarder.

Joubert Joseph

À propos Joubert Joseph

Joubert Joseph, né à Port-Margot le 29 avril 1997, passionné de poésie depuis son plus jeune âge, est poète et journaliste. Il a publié respectivement «15 poèmes pour un million d'étreintes» et «Léa ou La beauté en mille morceaux». Deux ouvrages qui ont été salués par la critique. Il a étudié le journalisme à l'Isnac et travaille actuellement comme reporter à Radio Kiskeya. Rédacteur à Balistrad, Joubert Joseph opte pour un «journalisme responsable.»
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