Petite virée autour du festival « en lisant » avec Sachernca Anacassis

Temps de lecture : 3 minutes

Dernière modification : 18 juillet 2019 à 14 h 53

Le 4ème numéro du Festival de Théâtre et de Dramaturgie Contemporaine « En Lisant » s’étend du 8 au 17 juillet 2019 à Port-au-Prince. Ayant pour titre générique « ENFIN SEUL » et pour thème « Du Bâillonnement de La Parole à l’Extinction de la Parole Bâillonnée », cette édition du Festival met l’emphase sur ce courant théâtral peu commun en Haïti qu’est le Monologue. Sachernca ANACASSIS, jeune comédienne fraîchement sortie d’une formation de Théâtre à Rayonnement Régional de Toulouse et l’une des 2 figures à l’honneur de l’évenement, nous accorde un moment d’intimité sur le sujet.

Balistrad: À 25 ans, qu’est-ce ça fait d’être invitée d’honneur à un événement aussi important ?

Sachernca: Je fais partie des plus jeunes comédiens du milieu (menm si m pa t kòmanse twò bonè), donc pour moi c’est très intéressant. Ce n’est pas tant un honneur, c’est plutôt un coup de pouce que me donne Eliezer. C’est sa façon à lui de me booster et de me dire « Sacha, oui tu es l’une des dernières, mais maintenant à ton tour de te prendre en main, de prendre des grandes décisions, à ton tour de penser aux autres, de les accompagner! » C’est comme s’il me disait «Lance-toi, fais quelque chose! Il est venu le temps pour toi de commencer à légitimer ton talent, de montrer au grand jour tes capacités ». Entre autres, je participe à ce travail colossal pour aider à maintenir le théâtre en vie en Haïti.

Balistrad: Vous animez l’atelier « Lire et Jouer Seul » pour En Lisant, comment vivez-vous cette expérience ?

Sachernca: C’est une belle expérience dans le sens où j’ai la chance de tomber sur 10 jeunes qui veulent vraiment être là-dedans. Naturellement, parfois ils viennent en retard, banalisent un peu, mais en même temps on sent qu’ils sont intéressés par le théâtre. On voit que ce sont des gens habitués au monde du spectacle, peut-être qui sont déjà membres de clubs ou d’autres ateliers. La plupart sont même déjà montés sur scène. Ils font preuve d’une motivation tellement forte que pour moi cela devient jouissif. Le théâtre étant un métier difficile surtout en Haïti, ça me fait du bien de voir des jeunes s’y intéresser. J’espère qu’ils ne vont pas en rester là et qu’à l’avenir je les retrouverai sur scène.

Balistrad: Parlez-nous un peu de « Au Bord » de Claudine GALÉA, le spectacle que vous jouerez ce 10 juillet à l’IFH dans le cadre du FEL.

Sachernca:« Au Bord » est un texte qui se sert de l’histoire des tortures qu’on infligeait aux prisonniers à Abou Ghraib. Rappelons-nous la tragédie du World Trade Center en 2001 après laquelle Bush avait lancé sa campagne contre le terrorisme. Suite à cet événement historique, ils ont ouvert une prison en Irak où l’on essayait des techniques de torture vraiment inhumaines sur les prisonniers. Du coup, l’oeuvre de Claudine GALÉA part d’une de ces photos où l’on voit une militaire malmener un prisonnier avec une laisse. Elle écrit sur l’atrocité que cette photo traduisait. Tout en luttant contre les souvenirs négatifs de sa mère qui l’obsédaient, comme elle l’emprisonnait et la brutalisait, ce n’est qu’à la quarantième fois que Claudine a pu aboutir son texte, juste après qu’elle se soit résolue à arracher la photo du mur.
Ce sera un spectacle (monologue) simple qui durera à peu près une cinquantaine de minutes. On n’y a pas mis un grand dispositif, une mise en scène de dingue ni une scénographie extraordinaire mais il s’agit d’un travail sur lequel j’ai la chance d’être accompagnée par Miracson ST VAL qui fait vraiment un travail de taille. Il prend tout son temps pour m’aider à revoir les fondamentaux, à prendre conscience de tous les enjeux. Kòm nan travay sa se pawòl yo n ap mete an avan, kidonk sousi a se bay pawòl sa tout plas li.

Balistrad: Quelle sera votre prochaine destination après le FEL ? 

Sachernca: Après le FEL je retourne en France pour entamer une autre formation sur l’Insertion Professionnelle. Je sors tout juste d’un cycle d’Orientation Professionnelle. Maintenant, je vais entamer le cycle d’insertion où vraiment je vais m’insérer dans le métier, rencontrer des Compagnies et travailler avec elles. Si ma formation précédente se focalisait sur le texte, comment jouer, comment porter un projet, celle-là va me permettre de créer un réseau, de pouvoir regarder les travaux des autres. Ce que j’appellerais un vrai faufilement dans le Grand Monde du Théâtre.

Sachernca ANACASSIS est née le 1er Novembre 1993 sous un arbre à Port-au-Prince, non loin de la Faculté des Sciences. Elle est d’une famille de 5 enfants dont trois garçons et deux filles. Ayant perdu un de ses frères dix ans de cela, maintenant ils ne sont que quatre. Sacha a fait ses études classiques respectivement au kindergarten “Les Abeilles”, à l’Institut Georges Marc et au Lycée Marie-Jeanne. Elle a eu ensuite un passage à la Faculté des Sciences Humaines qu’elle a dû quitter au bout d’un an pour se dédier exclusivement au théâtre. Sa passion et sa persévérance dans le métier lui ont valu la reconnaissance d’un public sélectif et l’admiration de quelques aînés qui, ayant remarqué ses talents, l’ont prise sous leurs ailes. Aujourd’hui cette étoile montante vient de boucler des études de Théâtre en France, et elle est venue en Haïti sous l’invitation de la BIT-Haïti pour être l’une des invités spéciaux de la quatrième Édition du Festival de Théâtre En Lisant.

Cette année à En Lisant, c’est le choc générationnel avec deux invitées de marque, Sachernca ANACASSIS et Michèle LEMOINE, deux icônes nationales dans le domaine du théatre, passionnées des arts de la scène. Conférences-débats sur le thème, ateliers, spectacles portés que par des femmes, restitution d’ateliers. C’est à toute cette panoplie d’activités qui se dérouleront à Yanvalou, Fokal, IFH, et l’OIF que l’équipe de ce Festival invite le public à prendre part cet été.

Propos recueillis par Mydna StCima

À propos Mydna St Cima

Diplomate et linguiste de formation, Mydna ST CIMA est née à Port-au-Prince. Dès son plus jeune âge elle se sent habitée par une passion pour la littérature, d’où le respect qu’elle voue aujourd’hui à la lecture et les langues étrangères. Mydna est une grande observatrice et a le souci d’une bonne communication. Elle est donc persuadée que l’écriture est l’un des meilleurs canaux pour populariser ses perceptions, ses engagements, ses sentiments, ses analyses et sa vision du monde extérieur aux gens.
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