Les éternelles victimes depuis 1804

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Dernière mise à jour : 9 octobre 2019 à 14h48

Haiti est comme un tableau de répertoire qui nous fait revivre beaucoup d’histoires pendant que le soleil s’affaiblit sur la perle rouillée des antilles. De toute façon, elle n’a jamais été une perle pour ses véritables fils. L’histoire de ce pays n’est qu’une répétition, qu’un refrain depuis 1804. Entre couleur de peau et quête de monopole, tous semblent oublier l’essentiel…

L’accord des noirs et des mulâtres a été contracté afin d’accéder à l’Indépendance, mais les mulâtres gardaient toujours en tête qu’ils étaient supérieurs. Après 1804, ces derniers ont voulu rentrer en possession de toutes les terres parce qu’ils sont fils et héritiers des colons. Et la majorité alors ? Face à un tel défi, Dessalines voulut défendre ses frères en relatant cette parole: « Et les noirs dont leurs pères sont en Afrique, n’auront-ils rien? » Ces propos allaient le mener à sa perte. Malheureusement, Pétion, mulâtre, général de l’Armée et principal instigateur de la mort de l’Empereur allait, sans le savoir peut-être, débuter le cercle vicieux des perpétuels recommencements .

L’histoire se répétera évidemment avec Vilbrun Guillaume Sam assassiné parce qu’il voulait combattre le monopole. Plus tard, en 1868, Sylvain Salnave , propagandiste né, fut assassiné au Champs de Mars parce les taxes imposées paraissaient exorbitantes. La bourgeoisie s’est rebellée au lieu d’apporter sa participation. Il faudra aussi remarquer qu’à l’époque, la gourde ne valait pas grand chose. On l’appelait: « Zòrèy bourik ». Cependant, les véritables victimes étaient les débrouillards de marché anba. Ils en font toujours les frais. Ces honnêtes travailleurs forcés par la sueur de leur front se font piller et assassiner par révolutions en demi teinte initiées par leurs fils qui ne font qu’asseoir l’hégémonie d’une bourgeoisie ne voyant pas plus loin que le bout de son nez.

Aujourd’hui nous sommes pris en otage par deux gangs de voleurs: celui de l’opposition et celui au pouvoir. Nous nous battons pour une cause noble certes, mais faute d’organisation nous avons fini par nous battre contre nous-mêmes. Nous tuons nos frères et sœurs pendant que les concernés sirotent leur vin. Le vin rouge représente le sang de nos frères qui coule chaque jour et le blanc blanchit leur conscience des détournements de fonds, des gaspillages des deniers publics, des taxes non payées , etc…

On parle partout de la faillite de l’Etat mais qui est-il vraiment aujourd’hui ? L’Etat n’est autre que ces gens qui détiennent le monopole de tout et qui se font passer pour les victimes à cause d’une pare-brise brisée ou des grèves prolongées . Ces gens sont loin d’être en faillite. Le peuple, lui, se voit appauvri à chaque coup de lock. Pauvre peuple, pauvres victimes!

Ce dernier danse au rythme des slogans de la misère au milieu des cartouches et des pneus enflammés. Face à ces gangs placés au pouvoir, la bourgeoisie profite pour le faire marcher au détriment de leur propre frère comme ce fut le cas sous Aristide. Qui se souvient du groupe 184? Cette bourgeoisie se remplit la poche pendant qu’elle se détache du président Jovenel pour ensuite l’entraîner en solo devant un peuple affamé. Quand finira-t-elle par lâcher prise ? Depuis 1804, elle est sur l’affaire . Aujourd’hui encore, ses tentacules sont aussi profondes que nombreuses. Oui… nous sommes les seules victimes en roulant des pierres, en allumant des pneus. Entre temps, nos chiens dorment dans nos réchauds entravés par la rouille. Oui… ils sont forts. Ils nous affaiblissent en nous faisant tuer nos propres soldats après les avoir utilisés et ce pour mieux garder nos têtes sous l’eau.

Charmelle Sanon

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