Nombreux sont des jeunes poètes et/ou écrivains qui, pour une raison ou une autre, ont décidé de fuir leur terre natale pour aller s’établir en terre voisine. C’est le cas pour Claude Sainnécharles dit Ankhi Ken Herou.
Je suis à Santiago en République Dominicaine depuis bientôt une semaine. L’une des principales raisons de mon séjour est de rencontrer des jeunes écrivains et/ou poètes vivant de l’autre côté de la frontière. Alors je prends rendez-vous avec le jeune poète haïtien Claude Sainnécharles (Ankhi Ken Herou) avec qui j’ai une amitié virtuelle maintenant il y a 3 ans. Un rendez-vous qui est fixé à 18 h à la Plaza Olimpica. C’est un restaurant bon marché fréquenté, en partie ,par des étudiants haïtiens.
Il va être bientôt 18h. Je cours rapidement vers la douche pour me laver. Ce que je n’ai pas eu le temps de faire au cours de la journée car j’ai été trop occupé à régler quelques petites affaires. Et surtout à préparer un questionnaire pour la rencontre. En effet, j’ai appris qu’il faut savoir poser les bonnes questions, surtout lors qu’on est en présence d’un créateur ou mieux d’un artiste.
Les minutes s’égrènent. Et moi, je ne veux pas être en retard. Ce qui serait, à mon sens, un manque d’égard pour mon invité. J’enfile rapidement mes vêtements. Puis, je prends la rue.
Ici, les rues habillent de milles voitures. De milles feux. Cependant, les piétons se font rares. Je suis presque seul sur le trottoir. Pas question de prendre un taxi! Je dois économiser les quelques pesos que j’ai en poche. Ma grand-mère me disait souvent que savoir bien gérer son argent quand on n’est pas chez soi est un bon atout. Sinon, on risque de se retrouver sans un sous. Surtout que les gens, n’ayant même pas une centime en poche, ne sont pas les bienvenus chez le voisin.
Il est 18h 00 quand j’arrive à la Plaza Olympica. Je m’installe à une table en attendant l’arrivée de mon ami-poète. Le bâtiment, doté d’une de ses architectures modernes, est regorgé de monde. J’en profite alors pour admirer de jolies petites fleurs étalées partout dans la grande salle. À les voir, on comprend vite qu’elles ont été créées avec les mains du bon Dieu et que ce dernier a certainement mis du temps à les façonner ainsi.
Après une bonne demi-heure, le voila qui s’amène dans sa tenue de ville. Chemise à barres multicolores, pantalon noir et chaussures à l’italienne, Claude Sannécharles se joint à moi. « Sa k pase papa ? », lance-t-il sur un ton plutôt amusant. Et moi de répondre : « Poze wi bro ». Nous nous engageons donc dans une conversation presqu’interminable où il raconte quasiment tout sur sa personne. Et ce, malgré la musique qui bat son plein à l’autre côté de l’édifice.
Claude Sainnécharles et son parcours de poète
Claude Sainnécharles est né en Haïti en 1981. Il est poète, écrivain, et « slammotivator ». Il vit à Santiago en République dominicaine où il entreprend des études de langues modernes à UTESA – Universidad Tecnologica de Santiago. Tout jeune, Claude a commencé à pondre ses premiers vers à la bibliothèque Justin Lhérisson de Carrefour à travers les ateliers Marcel Gilbert. De ses ateliers naissent toute une crèche d’artistes, de poètes, d’écrivains et de romanciers.
En 2014, Claude est sorti deuxième leauréat du concours de haïku Mainichi d’Osaka au Japon, l’un des plus grands au monde dans ce domaine. Il y a participé sous l’influence de Diane Descôteaux, la reine de l’haïku dans la sphère francophone, qui était venue en Haïti dans le but de donner des formations sur cette forme de poésie japonaise. Depuis lors, Claude est tombé amoureux de ce genre littéraire: « J’aime tout ce qui est profond, tout ce qui a un caractère intérieur ». Pour lui, la définition de haïku n’est autre qu’ «une façon de photographier un instant, un moment intense, émotionnel. »
L’haïku avec lequel Claude Sainnécharles a remporté le second prix du concours “Mainichi Haiku Contest”
« plaisir au bord de la mer
la vague laisse
une femme sans culotte »
L’anthologie de poésie « Zile a – La Isla », une initiative de Claude Sainnécharles
L’anthologie de poésie « Zile a – La Isla » naît de l’initiative de Claude Sainnécharles. Il a réuni plus de 40 poètes haïtiens et dominicains dans le but de donner une « autre perspective à la thématique binationale.» Selon lui, cette initiative est un prétexte à la conciliation ou plutôt au rapprochement des deux peuples. Une façon de permettre à ces jeunes poètes de partager une « autre vision plus positive de la relation binationale » tout en promouvant l’harmonie entre eux.
Il faut préciser que Claude Sainnécharles a laissé le pays suite au terrible tremblement de terre de 2010 qui a fait plusieurs milliers de morts. Depuis, il vit entre Haïti et la République Dominicaine où il exerce son métier d’écrivain.
© Dierf Dumène
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