© Photo : Le nouvelliste Haiti

« Chak gout san konte », le service transfusionnel de La Croix Rouge haïtienne entre nonchalance et manque d’efficacité

Temps de lecture : 2 minutes

Dernière mise à jour : 22 octobre 2019 à 17h27

Il y a quelques années, une campagne pour la collecte de sang faisait fureur. Vous vous rappelez peut-être cette séquence de spot publicitaire «Chak ti gout san konte. Mèsi Anpil…» C’était un message de la croix rouge haïtienne et bla bla bla…

Les trois dernières années, les demandes deséspérées pour ce « ti gout san konte » se multiplient encore et encore. Il convient de se demander où sont passés ces gens qui incitaient la population à faire ce geste salutaire, cette action civique: le don de sang. Comment desservir environ 12 millions d’habitants avec un CNTS (centre national de transfusion sanguine) qui ne fonctionne même pas de manière régulière et efficace, voire accompagner ses postes régionaux?

En tant que guide — girl scout en anglais —, j’ai appris que donner du sang est une BA (bonne action) qui est promue et recommandée. De plus, je suis née dans une famille de donneurs réguliers. Il était donc naturel pour moi de surmonter ma peur des aiguilles à mes 18 ans. Je me rappelle même ma première fois, ce dimanche où la Croix Rouge était venue pour une collecte de sang à mon église. Depuis, je me suis habituée au point d’avoir pu donner une pochette deux fois.

Chak ti gout san konte?

Il y a quelques mois, une amie avait besoin de donneurs. Je me suis proposée pour en donner. Devinez? J’ai passé trois (3) heures à la salle d’attente. Plus rien ne bouge, qui pis est, aucun responsable n’est venu expliquer la nature du problème. Il n’y a rien de plus frustrant ! L’autre jour, un citoyen que je connais bien est descendu à la Digicel — nan mitan barikad — pour une pochette en faveur d’une parente. Il arrive. 8:40, personne! 9:20 et un donneur de plus, toujours personne!

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Cette nonchalance est inacceptable lorsqu’on considère, qu’une semaine à peine, une infirmière avait succombé à une blessure par balle, faute de pochette de sang disponible. Quelques semaines plus tôt, un médecin était parti pour l’au-delà, sans avoir pu être opéré, toujours pour les mêmes raisons. Jour après jour, des gens de la population meurent parce qu’ils n’arrivent pas à trouver de sang!

Appels à don de sang sur les réseaux sociaux

Combien de fois a-t-on vu ces messages de détresse sur les réseaux sociaux? Combien de fois les verra-t-on encore? Avec cette carence en pochettes, ces donneurs anba-redi et ce triage sans prendre en compte le service tellement krab, il s’agit tout simplement d’un travail de bouki. Pas moyen de donner ni de recevoir.

Chak ti gout san konte, dites-vous ? Alors expliquez pourquoi en 2019 , le seul centre quasi-opérationnel de transfusion sanguine ne peut répondre qu’à une poignée du besoin gigantesque de pochettes de sang. Nous sommes à quelques semaines de l’année 2020, j’ose encore garder l’espoir (puisqu’il ne nous reste que ça) que les patients et les malades se plaindront de moins en moins de la carence en pochettes. J’ose encore espérer que certains feront leur action civique en allant donner une pochette pour sauver une vie malgré la frustration. J’ose encore espérer que le service recommencera à être fonctionnel sans qu’on ait à patienter pour un rien, plus de trois heures.

Sinon, on n’aura qu’à se rendre en république voisine (République Dominicaine) pour une simple transfusion, n’est-ce pas? Le sénateur Lambert, lui, n’y était que pour un simple bilan de santé . La majeure partie de la population n’aura qu’à mourir, n’est-ce pas? Alors, mon cher gouvernement, Chak moun konte? Croix rouge, chak ti gout san konte? Antouka Mèsi Anpil! Lorsque le désespoir et le ras-le-bol frapperont pour de bon, ils vous demanderont compte pour chaque goute de sang coulée vainement.

Ramona-Joëlle

À propos Ramona Joëlle Adrien

Je m'appelle Ramona Joëlle Adrien, je suis Ergothérapeute travaillant surtout en Pédiatrie. Je suis une mordue des livres; passionnée des arts, de la musique et du volley-ball. Écrire est pour moi un moyen de m'echapper et m'isoler du monde ou de partager ce qui se passe au fond avec l'extérieur.
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