Elle a dit non

Temps de lecture : 4 minutes

Dernière mise à jour : 27 décembre 2018 à 12h49

Je suis Christopher. Avant, j’étais un “player”. Le genre de garçon qui virevoletait entre les filles. Je ne me souviens pas avoir été avec une fille pendant plus d’un mois. Ma beauté jouait un grand rôle dans ma réputation de coureur de jupes. Je me demandais souvent pourquoi j’étais ainsi mais cela me plaisait d’avoir tant de filles qui s’accrochaient à moi et qui étaient prêtes à tout pour m’avoir. Cela me procurait un sentiment de bien-être qui était comme une drogue pour moi. Ma confiance se nourrissait de leur soif de moi. Je me sentais tellement bien, si bien dans cette position jusqu’au jour où j’ai rencontré Aurore…

Elle dégageait quelque chose qui m’attirait comme personne avant. Je crois que ce qui m’avait le plus attiré chez elle c’était le fait qu’elle ne me remarquait pas. J’étais invisible à ses yeux la plupart du temps et cela m’énervait. J’ai mis toute mon énergie à la détester. J’avais oublié que de la haine à l’amour il n’y avait qu’une virgule.

Mon Dieu que j’étais aveugle! Au fait je ne la détestais pas, je l’aimais. Je l’aimais tellement que j’étais devenu, sans m’en rendre compte, comme toutes ces filles que je méprisais.

J’avais fini par l’avoir! On sortait ensemble après tant d’efforts, de persistance et surtout de patience. Tous les jours je me réveillais avec l’envie de l’avoir à mes côtés. J’allais au lit avec l’espoir de la retrouver dedans. Elle devenait peu à peu mon essence. Je ne pouvais plus me passer d’elle… Je vivais par elle et pour elle!

J’avais enfin pris ma décision. Il fallait que je lui pose la question, j’en avais assez de ne pas l’avoir constamment à mes côtés. Je voulais l’avoir avec moi pour toujours ! Elle m’était nécessaire.

J’avais moi-même cuisiné son plat préféré, “diri blan ak legim » à l’Haïtienne. Aurore ne buvait pas d’alcool. J’avais accompagné ce repas d’un bon jus de “grenadia”. Comme elle aimait la nature, j’avais dressé la table dans le jardin. Enfin, comme dessert il y avait des “tablèt kokoye”. Dieu seul sait combien elle aimait ces douceurs ! J’avais même mis sa musique préférée “Perfect” d’Ed Sheeran. J’avais fait en sorte que cette journée soit parfaite rien que pour elle.

Son sourire à la vue de tout ce que j’avais préparé me mit du baume au cœur. On avait terminé de manger lorsqu’au milieu de nos fou-rires je m’étais agenouillé pour lui présenter la bague en or, surmonté de trois petits diamants. Rien d’extravagant parce qu’elle était simple. Elle n’aimait rien qui attirait l’attention. Je lui ai demandé sa main et elle avait dit oui. J’étais l’homme le plus heureux au monde. Je n’arrivais pas à croire qu’elle avait accepté de m’épouser.

Tout était prêt pour notre mariage et le jour J était finalement arrivé. On allait se marier dans un des jardins les plus majestueux du pays. J’étais impatient de la voir. L’attente était pesante. Tous les invités étaient là. Il ne manquait plus que la mariée qui se faisait trop attendre. Même le prêtre était là! Au bout d’un moment j’ai cru qu’elle n’allait pas se pointer. Je me faisais toutes sortes d’idées jusqu’à ce que je la voie avancer vers moi. Elle était si splendide qu’aucune fleur de ce jardin ne pouvait être comparée à sa beauté. Je n’avais jamais rien vu de plus beau…

Tout, absolument tout allait bien jusqu’à ce que le prêtre lui demande si elle voulait me prendre pour époux, évidemment, jusqu’à ce que la mort nous sépare. Je n’avais pas voulu croire qu’elle avait dit non. Pour en être sûr, je lui avais moi-même reposé la question et dans un anglais parfaitement clair elle a bien articulé : “ I said no”

La surprise des invités, le choc de mes parents, tout ceci m’importait peu. Je me souviens être sorti du jardin comme un zombi, je ne m’étais même pas attardé à lui demander pourquoi elle avait attendu jusqu’au jour J pour me dire ce “non”. Je l’avais laissé planter là, au milieu de sa méchanceté qui l’avait soudainement enlaidie.

En m’en allant, il y avait sa phrase qui me hantait: “I said no” . J’avais l’impression de devenir fou, j’hallucinais. Je la voyais devant moi me dire ce “no”. Qu’est-ce que j’avais mal fait? Qu’est-ce que je n’avais pas fait? Lui aivais-fait quelque chose pour qu’elle ait une raison de se venger de moi?

Soudain, je revoyais toutes ces filles à qui j’ai fait tant de mal et je les revoyais toutes me prononcer ce fameux “no” comme la générique interminable d’un film. J’étais anéanti mais il n’y avait plus rien à faire. J’étais fini, elle avait emporté mon cœur et ma joie de vivre dans l’abîme de sa méchanceté.

J’ai appris qu’Aurore était la sœur d’Adrienne. Cette fille qui avait fait tant de sacrifices pour moi et que j’avais méprisée après avoir lâchement pris sa virginité. J’avais enfin compris qu’elle était là pour sa petite sœur. Peu de temps après, j’avais sombré dans l’alcool et la cocaïne parce que je ne pouvais plus me supporter. Je n’avais pas le courage de m’ôter la vie d’un coup. J’ai préféré me tuer à petit feu.

J’étais dans un de mes rares jours de lucidité quand j’ai rencontré Aurore de nouveau après son “no” le jour du mariage. Nos regards s’étaient croisés et j’ai eu le temps de lire le regret et la pitié dans ses yeux, je l’ai approchée et..

[à suivre]

Isaac Justine

À propos Justine ISAAC

Étudiante en sciences juridiques à l'Université Quisqueya. Je suis une Cayenne passionnée de l'écriture et de la lecture.
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