Délire de persécution ou paranoïa?

Temps de lecture : 2 minutes

Dernière mise à jour : 11 mars 2019 à 19h19

Le petit écolier haïtien, pressé par le temps qui lui echappe, s’habille, mange et se met en route vers son école sur le seuil de laquelle ses parents lui donnent les dernières directives pour la journée. Directives qui se terminent sûrement par une phrase bien connue de tous:

« Pa manje nan men timoun non! »
Tel est le schéma que le petit enfant va apprendre à suivre en grandissant, se méfiant de l’autre comme de la peste. Devrait-on ignorer dans cette analyse que des cas d’empoisonnement ont été signalés dans nos écoles en Haïti ? Bien sûr que non! Bien que pour ma part, je n’en ai jamais entendu que les rumeurs sans en avoir eu des preuves mais j’y accorde le bénéfice du doute!

Après tout, j’ai moi-même suivi le même schéma de méfiance ! Pourtant, force est de constater l’impact que ce modelage a sur notre société. C’est au point que certaines expressions sont passées dans le langage courant comme:  » ou p ap vin manje m la, non ! » ou encore, à la vue de l’enfant dépérissant d’une quelconque maladie:  » Se vwazinaj lan kap manje l paske yo wè se yon bèl bebe! »

Je n’ose pas en rire, pourtant, malheureusement. Notre histoire est tellement parsemée de haine, de coins obscurs que la conséquence ne peut être que ce cercle vicieux nous enfonçant dans les miasmes d’une boue visqueuse de doute, de manque de confiance et finalement de division.

Qui, parmi nous, sincèrement n’a jamais entendu parler de ces histoires et donc n’a jamais eu le moindre doute à prêter son cahier ( exemple le plus typique) à un condisciple ? Même si ce n’est pas le cas, il se trouvera certainement un proche pour avertir quant aux supposés dangers encourus en agissant de la sorte: « Anh! Ou prete kaye w ? Yo ka pran nanm ou wi pitit ! Yo ka fè w wi pitit… »

Dans les « bas-fonds » de notre société ( si j’ose m’exprimer ainsi), l’Haïtien typique a réponse à tout ! A-t-il un éléphantiasis ou un pied diabétique ? Il s’agit d’un « coup de poudre » évidemment. Son enfant a-t-il une crise d’épilepsie ? Il n’y a pas à chercher loin! Il s’agit du voisinage ou de la famille qui veut « manje » l’enfant. Il ne sait pas économiser et son argent devient allergique à sa bourse ? C’est facile, « yo lave men l » ou  » yo rale lajan nan men l ».
Cette mascarade se poursuit dans les classes sociales les plus élevées (si j’ose dire qu’il existe une quelconque classe plus haut placée que le fond). En effet, en franchissant le seuil de l’Université, ancré dans ces ténèbres de méfiance et de doute, on voit l’autre comme un potentiel ennemi qui pourrait nous régler notre compte, étant jaloux de notre succès ! Il en est de même des gens du quartier qui n’ont pas eu la même chance que nous et l’on se surprend à changer de comportement à devenir distant envers ceux qui ont été longtemps nos amis d’enfance les suspectant d’être jaloux de notre réussite ! La confusion s’installe ainsi dans nos pensées, ne pouvant plus différencier le faux du vrai, l’ami de l’ennemi !

C’est au point où dans nos églises, l’ennemi prend le visage du voisin, du collègue voire même de la famille. Les yeux fermés, on récite: « Seigneur, délivre-nous de nos ennemis ! » et dans nos pensées se dressent la vision de ceux sus-cités…

Je crains que la solution ne soit trop difficile à adopter par le peuple que nous sommes, le problème étant séculaire et faisant partie désormais de nos gènes.

Morantus

À propos Kerlintz Morantus

Étant agé de 24 ans, j'ai à mon actif un parcours qui s'adapte parfaitement au jeune haïtien que je suis! Ayant fait mes études secondaires à Saint-Louis de Gonzague puis poursuivant mes études professionnelles à l'Université Notre Dame d'Haïti, j'ai développé un certain amour pour l'écriture, amour me venant certainement du fait de mes nombreuses lectures et des rencontres faites avec les grands auteurs de ce siècle et ceux des siècles derniers! Pourtant, je poursuis aussi l'amour que j'ai pour le dessin! En effet, je fais de la bande dessinée, ce qui est pour moi une sorte d'échappatoire qui me permet d'écrire encore et toujours.
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