Romancero aux étoiles de Jacques Stephen Alexis: Une représentation imagée du réel haïtien

Temps de lecture : 3 minutes

Notre avant dernier papier de Vendredi Jacques est bien là. Nous analyserons Romancero aux étoiles, œuvre d’un nationaliste, dépositaire du message haïtien. C’est une invitation à revenir à nos sources, à nos traditions, à nous nous-mêmes, enfin à nos contes ancestraux d’antan.

L’œuvre

Non ce n’est pas un roman, mais un recueil de conte de Jacques Stéphen Alexis, publié chez Gallimard en 1960. Il s’agit de neuf contes de sambas rapportés, mettant en évidence le folklore haïtien, ancestral et l’imaginaire national commun. (Le conte est une histoire imaginaire, portant en son sein une réalité féerique.) Il a fallu porter le message par d’autres voies plus simples, plus courantes et populaires, à une époque où la libre parole est un crime.

Le premier conte, comme tous les autres presque, prend en compte le milieu populaire haïtien: « Dit de Bouqui et de Malice » Ce sont des petites histoires qui ont bercé l’enfance des haïtiens. Avec des personnages comiques, parfois intelligents qui sont portrait des lecteurs ; ce qui est un plus culturel.

Le deuxième conte permet de rencontrer une surréalité dans le récit: « Dit d’Anne aux longs cils » Il s’agit de l’histoire d’un peuple étonnant, pêcheur d’huîtres et de lune, mettant en évidence une petite fille à description surréaliste. Tout le déroulement de l’histoire est fantastique et merveilleux.

Le troisième conte raconte la triste réalité d’une femme maltraitée par son mari. Cette fable expose la tendance machiste de la société et les violences conjugales.

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Le quatrième, toujours fantastique, raconte l’histoire d’une fille zombifiée le jour de son mariage. Elle devra se battre et chercher à rassembler ses souvenirs. Affaiblissement psychique et physique, mort provoquée… C’est encore un reflet de la réalité sociale, le phénomène de la zombification, aussi l’état d’un pays colonisé, tombé dans le coma « Chronique d’un faux amour »

Le cinquième conte « Dit de la Fleur d’or », est un hommage à la reine Anacaona, assassinée par les espagnols. Critiquant aussi la colonisation par l’occident, qui prétendait apporter la civilisation.

Le sixième raconte l’histoire d’un soldat américain qui débarque en Haïti, en quête d’un trésor caché sous les montagnes. Raciste, dans un premier temps: « On disait ces nègres d’Haïti inconscients de leur infériorité congénitale, orgueilleux même de leur race et de leur passé légendaire, sensibles à la moindre allusion, cabrés à la plus légère piqûre, violents et tellement familier… » Le lieutenant, après une série d’épreuves, allait se rapprocher du peuple au fil du temps, jusqu’à suivre leur tradition. On le comprend bien quand on lui posait la question: « Aimes-tu cette terre et tous les hommes de cette terre ? -Je ne connais plus que cette terre et les hommes de cette terre ! affirma le lieutenant. »Le bien-être du lieutenant et sa découverte de cette nouvelle culture lui a permis de comprendre que l’ethnocentrisme des conquérants est antihumaniste ; l’homme déjà socialisé n’a pas besoin de changer de culture pour exister. Au final le lieutenant est tué par ses propres compagnons conquérants. « Le sous-lieutenant enchanté »

Le septième conte, « Romance d’un petit viseur », reprend un ancien conte africain, exposant des réalités culturelles particulières.

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Le huitième met en jeu un héros, en route pour New-York, qui allait s’égarer dans une prairie à caractère surnaturel. Et dans ce nouveau monde la vie réelle n’existe que dans le rêve.
Finalement, c’est « la rouille des ans » qui met en évidence les complexités entre tradition et modernité.

Prendre contact avec l’essentiel haïtien passe par ces contes, exposant tout le côté merveilleux, fantastique des réalités haïtiennes. Tout le patrimoine culturel est valorisé par Jacques ; ce qui est source d’existence et de résistance culturelles. La révolution doit être culturelle, nationale et transgénérationnelle. En réalité, si la révolution doit prendre des voies, Jacques en est une. D’où la nécessité de passer par Jacques pour le dépassement.

Nous sommes Jacques Stéphen Alexis !

Pascal Apollon

À propos Pascal Apollon

Je suis Pascal Apollon, écrivain, poète, slameur, critique littéraire, responsable de la communication et des relations publiques à la société du samedi soir, présentateur d’émission et psychoéducateur stagiaire à Foyer Lakay (Faculté de psychoéducation du Campus Henry Christophe de l'Université d’État d’Haïti à Limonade). J'ai trois livres publiés en Haïti et en France, entre 2016 et 2018: J’aurai peut-être dix-huit ans ; Tche wòb Valantin et Grog, ''l'isolement'' . Je vis au Nord, plus précisément entre le Cap-Haïtien et Limonade.
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