À la deuxième sortie de Littérapie (première pour l’année 2020), la poésie est encore au rendez-vous. En guise de souhait de « bonne année », ce numéro vous est servi ; puisque, comme l’a remarqué Jorge Luis Borges, « la littérature est une forme du bonheur ». Pour que ce bonheur soit, puisque même « Le bien qu’on croit caché sort de la nuit obscure », c’est dans l’Intimité de la nuit (2018, La Conque Éditions) que nous trouvons la thérapie de cette semaine. Alors, amis de lettres, de littérature (de poésie), lecteurs/trices de Balistrad, nous vous invitons, dans l’intimité la plus profonde de la nuit, à tirer votre part de bonheur dans les vers du poète capois Carlynx Elbeau.
La poésie de Carlynx dans l’intimité d’une nuit-gritude
La poésie de Carlynx est un art qui caresse la peau sombre de la nuit jusqu’à toucher son intimité. Elle est une poésie imagée et colorée qui s’installe au cœur de la nuit pour la déshabiller en dessinant des vers et des proses sur sa peau d’ébène. Si la nuit est la muse de Carlynx, c’est par sa couleur d’ébène qu’elle l’attire.
J’aime la nuit parce qu’elle est noire
Noire comme elle-même
Noire comme un cul de négresse (p. 10)
Tenté par l’Intimité de la nuit, le poète la fait son complice et son confident, où sous ses yeux, dans un lieu sombre et intime, il part à la chasse des chattes et même réinventer le péché qui a causé le sort de l’humanité.
Obscurité complice
Intimité tentante…
La nuit a perdu ses conseils
Toutes les chattes qui ne sont pas grises
Seront prises…
Ce soir
Tous les coins son Éden
Nous remangerons la pomme
Pour recouvrer notre nudité primitive (pp. 13-14)
Les vers de Carlynx, tant imagés qu’ils soient, charrient avec eux toute une folle imagination. Tout est poétiquement mélangé au fond d’une nuit, une nuit de couleur d’ébène, une nuit-gritude. Le temps, le fantasme créé par le sourire et la couleur de peau des négresses d’Haïti et d’Afrique, l’envie et l’attente, tout est là dans l’intimité d’une nuit-gritude. L’intimité de la nuit de Carlynx est plus qu’un recueil de poésie, c’est un millier de poèmes pour la jupe d’une négresse et une histoire d’amour écrite sous cette jupe.
Je vais où ton charme m’emmène
Au bout du monde
Ou sur la paume moite des îles
Pourvu que j’arrive à écrire
Cette histoire d’amour
Au verso de ta jupe parfumée (p. 19).
Fier de sa couleur de peau semblable à la nuit qu’il poétise, le poète décrit avec une rage nègre et une fierté africaine, le secret de la force que porte sa race. Dans l’hymne qu’il offre à la négritude dans sa poésie, il chante la fierté d’être, celle de se voir être briseur de la chaine de l’esclavage et d’être du même coup l’inventeur de l’histoire de la liberté.
Je suis ce nègre
Ce nègre dont le secret de la force
Est profondément enraciné
Dans le cœur fluidique du soleil
Cet enfant chéri d’Ife,
d’Haïti, de Mandingues, du Mali…
qui a brisé avec fierté
les chaines monstrueuses de l’esclavage.
Au rythme d’une chanson poétique qui fait danser la beauté nègre en intimité parfaite avec la nuit, cette poésie marche dans le sang et apporte bonheur, fierté, force, sensualité et fantasme exagéré. Enfin, avant que vienne la fin, où :
Nous serons là, entrelacés
Seuls face à la mer
Houleuse du temps
A savourer la musique lascive.
Allez, cher/es lecteur/trices de Littérapie, créez votre propre intimité avec la nuit et découvrez Elbeau Carlynx.
Elbeau Carlynx est né en Haïti (Cap-Haïtien) le 07 mars 1994. Sachant bien comment harmoniser ses vers pour faire danser les mots, il a déjà à son compte plusieurs grandes distinctions littéraires : troisième prix du concours international de Poésie-En-Liberté en 2012, mention spéciale en 2015, deuxième prix du concours international de poésie Léopold Sedar Senghor en 2016, premier prix du concours international de poésie Centre Troyes Unesco en 2017 et mention spéciale du concours international chansons sans frontières.
Gregory-Songer Clerveaux